Paul et les grivoles : Ecolo-lectures pour enfants (3)

Publié le par kdolivres le blog !

Paul et les grivoles

Paul et les grivoles
Auteur : Emmanuel Ardichvili
Illustrations : Anne Ardichvili (Illustrations)
Editions Oxybia, octobre 2018
12 € -> Détails

"Lorsque Paul se réveille ce matin, une suprise l'attend au bout de son lit : une forme grise se détache sur le mur blanc. c'est une drôle d'apparition (...)"

Mystère, aventures, suspense : "Paul et les grivoles" a beaucoup d'atouts pour plonger les jeunes lecteurs dans le fil de l'histoire, dès la première page. 

Il ne s'agit pas d'un album illustré mais d'une histoire à lire qui convient soit pour une lecture du soir faite par un adulte pour les plus petits, (ou à la séance lecture à voix haute de l'école ou de la bibliothèque) soit pour les 9-12 ans.

Le roman est découpé en plusieurs parties ce qui est idéal pour les jeunes lecteurs qui ont
encore du mal à "dévorer" un livre d'une traite ou qui seraient réticents à lire beaucoup de texte.
Comme le récit donne très envie de savoir ce qui va se passer ensuite, il se peut que les curieux enchainent les pages sans se rendre compte de rien

Les grivoles ou les ectoss

"Et si un jour les grivoles apparaissaient mystérieusement au dessus de nos têtes,
que ferais-tu ? Regarderais-tu ailleurs, pour essayer de les oublier bien vite ? Ou bien voudrais-tu, comme Paul et Lila, savoir d'où ils viennent et ce qu'ils veulent nous dire?".

Qui sont-ils ? Vous le saurez en lisant le livre !
"En tout cas, ça n'a pas l'air méchant... un peu comme des fantômes, mais gris au lieu d'être blancs".


Voici un indice : 
"Le grivole le conduit dans la salle de bain. La lumière est restée allumée, Paul a du oublier de l'éteindre après d'être brossé les dents. Il inspecte la pi-ce de fond en comble, mais ne trouve rien d'habituel ou de bizarre. Il éteint, retourne dans sa chambre et se couche dans son lit. Le grivole, retourné à son poste, demeure calme à présent".

Un conte moderne sur le mode métaphorique

"Paul et les grivoles" est un conte moderne qui traite de manière métaphorique de la pollution. Mais tout l'intérêt de l'ouvrage est que - par le biais de l'énigme à résoudre - les enfants, comme les trois "héros" de cette aventure, découvrent le liens entre leurs actions non écologiques (les petites actions du quotidien) et les alertes que seuls certains semblent percevoir. Les gestes polluants des parents ne sont pas épargnés. Et il semble que le rôle d'alerte soit bel et bien dans le main des jeunes gens, puisqu'ils passent à l'action !

L'histoire épingle au passage une autre activité très présente dans le quotidien les enfants,
à savoir les jeux vidéos :
"Tu ne peux pas savoir comme je suis content que tu ne joues pas aux jeux vidéos ! Sinon j'aurais commencé à croire que ce sont eux qui rendent fous"

Très savoureux aussi, le passage où Jérémy s'interroge sur les risques de la situation :
" Et si elle avait décidé de nous jeter un sort à plusieurs étages, comme dans « Les Zombies de Manhattan III » ? D'abord on a des visions, ensuite elle nous attire dans la forêt, et là elle nous transforme en morts vivants ne supportant plus la lumière du jour, puis on doit lui ramener un trésor caché dans le souterrain sous la colline et..."

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Les autres personnages du livre : un choix judicieux pour éclairer sur les petits travers des "grandes personnes" et montrer quel regard on porte à priori sur celles et ceux qui nous
impressionnent !

La maman : à la fois "wondermaman" ("Maman plisse les yeux en scrutant le mur, comme si tout à coup elle passait en mode "Super-Vision" de Super-Héroïne") et pleine de bons conseils ("je te le dis tout le temps : ne pose pas tes doigts sur les verres et nettoie-les trois fois par jour") cette maman est aussi légèrement angoissée : "dès demain, nous irons chez le médecin et tu lui raconteras tout".

Les jeunes lecteurs souriront-ils aux petits clins d'oeil subtilement féministes (j'ai beaucoup aimé l'illustration du papa qui fait la vaisselle - avec les gants ! - pendant que la maman boit son café !) et à la manière attentionnée dont la maman de Paul parle de son mari ? ("Sa mère l'a bien aidé, en déclarant que oui, vraiment, Papa devenait trop gros et qu'un peu d'exercice lui ferait le plus grand bien !")

 

Les papas un peu trop occupés par leurs voitures :

Au risque de paraître stéréotypés, les pères de Paul et de son copain Maxence sont visiblement très attachés à leurs quatre-roues. Les grivoles qui les accompagnent sont d'autant plus inquiétants : une "araignélicoptère" qui vole au dessus du 4X4, et un autre "bien sombre, (qui) ressemble à une locomotive avec des nageoires". Mais les beaux véhicules de ces familles font-ils le bonheur de leurs utilisateurs ? 
"Tu as vu, elle est trop classe, bourrée d'électronique ! On peut même lâcher le volant et elle conduit toute seule"
- Ah bon?
- Mais il faut que les lignes blanches soient bien visibles, sinon elle bipe de partout, et mon père n'a pas trouvé comment régler le volume. J'ai la tête comme un ballon".

Les "marginaux" :

Au fur et à mesure, Paul et sa nouvelle amie Lila vont croiser des personnages qui peuvent sembler à l'écart ou "différents" et découvrir tout l'intérêt d'aller au delà des apparences, des peurs, pour oser aller vers l'autre et apprendre de sa différence :

- le "Yéti" : "le surnom du vieil homme barbu et chevelu, qui distribue inlassablement ses tracts aux abords de l'école".

- le "grand roux qui a toujours un pull orange"

- "le petit gros avec la casquette jaune"

- "Sanzéfort", "un géant au regard pétrifiant"

- "la sorcière" alias "la magicienne des fumées"

Les trois camarades s'interrogent d'ailleurs lors qu'ils décident d'aller chercher des réponses auprès des forains : "Après tout, il n'y a que des personnages bizarres dans un cirque, tous passent leur vie à faire des trucs inhabituels. Comment sont-ils dans le monde réel?".

La vérité sort de la bouche des enfants par la voix de Lila :
"Dès qu'on aura fait connaissance, tout se passera bien".

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Mes illustrations préférées

Si vous avez déjà parcouru plusieurs articles de ce blog, vous avez peut-être une idée de mes préférences en matière d'illustrations. Mes goûts personnels ne sont potentiellement pas les mêmes que les jeunes lecteurs, qui entreront peut-être dans l'histoire par les dessins plutôt réalistes d'Anne Ardichvili.

Pour ma part, j'ai beaucoup aimé la double page du rêve de Paul, précisément par son caractère fantastique et délirant : la gigantesque glace à la fraise comme défense face à la menaçante pieuvre.
 


Mon esprit a immédiatement vagabondé vers les souvenirs des pages très oniriques de "Cuisine de Nuit" de Maurice Sendak (1) qui campe le même décor : la nuit et la nourriture à taille démesurée sur les toits de la ville ! Et oui, même devenus adultes, nos goûts et nos accroches spontanées peuvent prendre leurs sources dans des livres pour enfants...

In the Night Kitchen - Maurice Sendak


L'articulation entre le texte et l'illustration est particulièrement réussie au moment où les enfants se retrouvent face à "Sanzéfo, l'Hercule, celui qui est capable de soulever une voiture à lui tout seul ! 
La silhouette immense masque le soleil et Paul a l'impression que la nuit est tombée d'un coup."

C'est l'un des pics de suspense du livre et il faudra tourner la page pour savoir ce qui arrivera ! 
Il s'agit encore une référence personnelle (peut-être partagée par plus d'enfants et grands lecteurs ?) mais je n'ai pas pu m'empêcher de penser au Géant de Zéralda du très regretté et talentueux Tomi Ungerer.

Prenant de la hauteur, le lecteur se trouve à la fin du livre au dessus d'une jolie scène pleine d'espoir : là où l'on apprend que "Le Yéti, celui qui distribue des tracts, s'appelle en fait Gérard et il est très gentil" et où l'on constate que les actions pour la préservation de l'environnement ont plus de chance de fonctionner quand les enfants prennent les choses en main (l'actualité et les actions de Greta Thunberg en sont depuis peu une autre illustration).  


La distribution des tracts et des dessins de Paul est vue du ciel par un grivole. Toutes les générations se croisent sous un arbre au feuillage constitué de très belles taches de couleur : le contraste entre ces feuilles presque abstraites et les personnages vus d'en haut est très réussi.  

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Et vous, avez-vous une idée de la forme de votre grivole ?

Est-il en pleine croissance ou en décroissance ? ;-)

Des petits liens pour aller plus loin :

Comment peux-tu protéger l'environnement ? Une jolie affiche avec des actions très concrètes pour les enfants, proposées par l'artiste et illustratrice Elise Gravel 
 

affiche Elise Gravel


 

Les affiches écolos de Tatsu Nagata
Dans un très grand format, 10 affiches-chocs qui traitent des problèmes d'environnement, mais aussi de la protection des animaux

-> lire l'article de kdolivres ici sur Thierry Dedieu et Tatsu Nagata (les animaux et l'écologie expliquée aux enfants )

 

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(1) Et si vous souhaitez partager ma passion pour Maurice Sendak, voici un article fleuve blush :

Maurice Sendak : aux sources de l'inspiration

 

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